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CONVERSATION DE SALON AVEC BERTRAND LAVIER

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L’œuvre de Bertrand Lavier est traversée par une foi presque religieuse dans la justesse d’une rencontre. Celle entre l’artiste et un objet. Un coup de foudre signifiant, à la « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Sauf qu’à la place de La Boétie, il y a un Frigidaire. Ou un piano. Ou une statue africaine.

Choisis à la fois pour ce qu’ils représentent et pour leur lien particulier avec le plasticien, ses objets sont auréolés d’une assurance joyeuse. La charge émotionnelle qu’ils portent ne les alourdit pas, bien au contraire. Ils savent qu’ils ont du sens. Ils peuvent donc se permettre d’être légers : Ferrari, néons, décors de Walt Disney, ours en peluche… On laisse tomber l’affectation. A quoi sert-elle, quand on a la certitude tranquille de résonner juste ?

Avec profondeur et poésie, Bertrand Lavier nous montre le monde tel qu’il est : triste et beau.

Il nous aide à accepter la tristesse de la vie, que l’on perçoit dans les objets. Il nous met délicatement face à l’irrémédiable, nous permettant ainsi de l’apprivoiser. Il nous pousse à ressentir la joie qui est au monde, dans la beauté des choses. La plénitude ne vient pas de ce que tout est parfait, mais de ce que l’on parvient à embrasser le beau et le triste. A les accepter, comme les deux faces d’une même médaille.

Et ce que nous dit l’artiste, c’est que l’on peut s’en remettre à quelque chose de plus fort que nous, qui met sur notre chemin, les jours de chance, des voitures cabossées, des coffres forts et des appareils photos peinturlurés.

L’art contemporain, c’est ce qui saisit l’air du temps. Qu’attrapez-vous dans vos filets?

C’est fluctuant. L’air du temps dépend des préoccupations à un instant donné. S’il y a une volonté affirmée de l’attraper, c’est raté. Quand on vise l’intemporalité, on est sûr d’aller à l’échec. C’est très paradoxal, mais c’est en créant quelque chose de profondément ancré dans une époque que l’on incarne l’intemporel. On peut marquer avec des choses désuètes, comme une aquarelle. En tout cas, ça ne vient pas d’une volonté, ça ne se décrète pas.

Vous avez déclaré : « L’art doit créer des courts-circuits dans la pensée ». Qu’attendez-vous du public ?

Chaque exposition déclenche un catalogue de réactions.

A travers la série des voitures accidentées, je voulais parler d’une rencontre avec une voiture.  Avec Giulietta, une drôle de chose s’est produit : le transporteur chargé de l’apporter sur le lieu de l’exposition fait le plein à une station-service. Et là, les gens s’arrêtent, regardent, et lui demandent si c’est une sculpture. C’était la preuve que la voiture était juste.

C’est exactement l’inverse du ready-made de Marcel Duchamp, pour qui le lieu et la volonté de l’artiste déterminent le statut de l’œuvre d’art. C’est dans un musée, et par décret de l’artiste,  qu’un urinoir se transforme en chef d’œuvre.

Là, il s’agit d’une rencontre avec un objet. C’est une rencontre individuelle, spontanée et imprévisible, qui produit de l’universel.

J’attends du public une réaction immédiate, bonne ou mauvaise. Ce qui compte c’est que ce soit sur le coup. La réaction doit rendre compte d’un lien direct avec l’œuvre. On cherche l’étincelle qui donne naissance à ce que l’on n’attendait pas.

Pour provoquer des réactions immédiates, j’utilise un vocabulaire formel simple. C’est facile d’entrer en contact avec ce que je propose.

 L’art vous a rendu plus sage ?

Non, il m’a rendu plus turbulent ! C’est tellement de liberté. On a la chance de vivre quelque chose de complètement hors-sol.

On a bien sûr quelques obligations, mais on jouit d’une liberté totalement aberrante. Le risque, c’est de se liquéfier. Pour l’éviter, il faut inventer son protocole.

Pour moi, c’est être le plus distrait possible. J’ai besoin d’être pris par surprise. Je cherche des bouffées d’inspiration, une manière de dériver. J’ai développé une attention flottante.

Chaque artiste invente sa méthode. Quand on s’intéresse à leur vie, on trouve des choses très singulières. Vivre est un protocole que l’on n’apprend pas à l’école.

Comment vous faites-vous un avis sur les choses ?

Je lis deux ou trois journaux par jour. Je discute de l’actualité avec les gens. J’observe le monde de deux endroits : j’ai un pied à Paris et un pied en Bourgogne. Cela fait partie de ma méthode.

 Comment passez-vous de l’intuition à la réalisation d’une œuvre ?

Je suis un artiste de commande. Évidemment, je suis toujours préoccupé, je réfléchis. Tout ça est un mouvement permanent. Mais c’est la commande qui me permet de cristalliser ce que j’ai en tête.

J’essaie de garder la plus grande légèreté possible. Je n’ai pas d’assistant, pas de secrétaire. Je me suis toujours interdit ça. Cela m’offre une grande liberté.

L’une de vos séries s’inspire de sculptures africaines en bois, que vous avez reproduites en bronze nickelé. Cela crée un décalage étrange, comme si vous aviez touché le cœur de la statue originelle. Quelque chose persiste, mais différemment. Qu’est-ce qui, pour vous, constitue notre identité ?

Ces sculptures ont été créées en rapport avec ce que l’on voit dans l’art africain occidentalisé. Le bronze nickelé, c’est la modernité. Et en même temps, le nickel est un matériau vieux comme le monde.

En voyant ces sculptures, un collectionneur m’a dit : « vous avez enlevé la peur ».

Je fais un art souvent perçu à l’étranger comme très français. Cette façon de pointer précisément, de tracer une sorte de ligne claire… C’est une carte d’identité très hexagonale.

Je vois très bien où la culture se situe. La mondialisation, c’est la montée en puissance des différences, et non un grand métissage. Le métissage est intéressant dans sa première étape, mais après c’est un magma. Qu’est-ce qu’on fait, une fois que tout est uniforme ? La revendication des différences est plus riche. Dans la gastronomie, par exemple. On ne peut pas fusionner la fusion food.

Avec cette série, je joue sur un certain segment de la culture africaine. Bien sûr, je le fais avec mon regard de français, mais est-ce que j’ai le choix ? On regarde tous de quelque part. Notre vision est fatalement ethnocentrée. Ça n’est pas un problème, tant qu’on en a conscience.

Être citoyen du monde, c’est être citoyen de nulle part !

Cela me fait penser à un voyage dans le désert. On roulait, et l’on devait s’arrêter pour camper. On cherchait un endroit où monter la tente, mais comme tout était exactement semblable, impossible de nous décider !

Il y a aussi un rapport à la langue. Le citoyen du monde, quelle langue parle-t-il ? Si l’on veut être précis et scrupuleux, c’est un concept impossible à penser. Nous avons davantage besoin d’interfaces que d’homogénéité.

En tant que plasticien, j’ai des zones d’écoute plus favorable : les Japonais, les Coréens, les Italiens, et plus récemment les Anglais.

C’est également intéressant de voir la réaction des critiques. J’ai lu récemment un excellent article sur ma série Walt Disney Productions, écrit par un journaliste anglais pour le magazine Frieze. Cela donne un autre éclairage.

Les œuvres d’art ont cette vertu-là : elles offrent plusieurs points d’entrée.

Elles apportent des réponses, aussi. On parle toujours des questions. Des artistes qui « questionnent ». C’est bien, mais…et les solutions ?

J’apprécie les artistes qui apportent des solutions plastiques à des questions que l’on se posait. Comme Buren, par exemple. Christian Boltanski apporte également d’excellentes solutions à la dérive du monde.

Et sur un plan général, artistique, économique ou politique… des solutions, par pitié ! Vous imaginez, quelqu’un qui dirait demain, « J’ai une solution contre le chômage », l’effet que ça ferait ?

 Dans vos bas-reliefs, vous établissez des correspondances, presque des filiations, entre deux objets qui n’ont a priori rien à voir. Qu’est-ce qui rapproche un sabre et un mixeur ?

Ces bas-reliefs marquent une rencontre presqu’évidente entre deux objets, qui n’étaient pas destinés à se croiser. Mais quand on les met l’un près de l’autre, c’est évident.

L’évidence finale est le résultat d’une quête exigeante. Comme quand on porte son chevalet exactement à l’endroit qui convient pour peindre une meule de foin.

Repeindre un fauteuil ou un piano : hommage ou irrévérence ? Recouvrir, c’est une façon de marquer son territoire ou de dévoiler ?

Marquer un territoire ou dévoiler ? Les deux, mon général !

L’objet est à la fois caché et magnifié. C’est l’idée qu’un peu de cosmétique vous fait rebondir ailleurs.

Je suis persuadé que l’on regarde plus cette Ferrari accidentée que si elle était neuve. Donc ça cache et ça montre. Mais ça montre plus que ça ne cache.

Ces objets sont aussi des conversations entre artistes, vivants ou morts.

Les bas-reliefs et Giulietta sont des réponses à Marcel Duchamp. Tous les objets ne peuvent être transformés en œuvre d’art simplement parce que l’artiste en a décidé ainsi. Pour que ça fonctionne, l’objet doit avoir une charge émotionnelle qui lui donne une portée universelle. Cela peut aussi passer par la justesse d’une combinaison, comme dans mes bas-reliefs.

Les objets peints sont liés à Magritte. Lui peignait une pipe, en disant que cela n’en était pas une. Mon premier objet peint, c’était un poste de radio. A travers lui, j’ai repeint une vraie pipe.

Qu’y avait-il dans le « Cahier à idées » que vous avez donné au culot à Pierre Restany, et qui a lancé votre carrière ?

Il y avait des projets dessinés. Par exemple, peindre des feuilles en blanc. Déjà, je voulais peindre sur la réalité. Il y avait aussi celui de mettre des bottes de paille en rond dans un champ. Beaucoup de mes projets étaient liés à la nature. C’est à portée de main, c’est facile. J’aime l’idée qu’avec trois bouts de ficelle, on peut arriver à faire quelque chose.

 


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